Activités personnelles

Christian DREVET

 

But

 

Ce dispositif a pour objet de permettre à chaque enfant de mettre du sens dans les activités qu’il vient pratiquer à l’école. Il fait suite ou complète ou cohabite avec d’autres dispositifs comme la publication du journal de classe associé à un réseau de diffusion et d’échanges de publications. Le journal de classe donne du sens aux productions d’écrits (écrire pour être lu par des personnes distantes dans l’espace) mais aussi à toutes productions réalisées dans la classe pour lesquelles une trace graphique peut être élaborée (construction au coin bricolage, expériences scientifiques, créations mathématiques, créations graphiques….). C’est le choix – c'est-à-dire l’engagement volontaire dans une activité – qui va ici donner le sens ou la raison d’être de l’activité. Il n’est pas question ici du point de départ de l’activité (qu’est-ce qui a poussé l’enfant à choisir une activité plutôt qu’une autre ?). C’est une question différente sur laquelle il sera utile de revenir à partir de l’analyse des choix opérés par les enfants sur une certaine période de fonctionnement.  

 

Emergence du nouveau dispositif

 

Il s’agit d’une extension des menus pratiqués dans la classe au cours du premier trimestre de l’année : le « menu lire-écrire », choix d’activités proposées autour du lire / écrire, le menu dit des « ateliers de l’après-midi » qui était plus orienté vers des activités de sciences, histoire / géographie, arts plastiques ou travail manuel. Cette extension prend deux formes : une extension des domaines d’activités (les deux menus mixés en un seul, plus des activités supplémentaires), extension du temps (les temps pour les « activités personnelles » est supérieur à la somme du temps proposé précédemment pour les deux menus). La classe est devenue, en quelque sorte, mûre pour cette extension.

 

Cette « maturité » acquise par le groupe au fil des semaines est devenue visible au cours des deux semaines qui ont précédé les vacances de Noël quand peu à peu ce mixage de menus a  commencé à se réaliser de lui-même. Un certain nombre d’activités débutées le matin se sont poursuivies l’après-midi (et inversement), ce qui a permis d’assurer une meilleure cohérence dans le travail des enfants. Un certain nombre d’activités, au départ  plutôt pratiquées l’après-midi (bricolage, expériences) ont commencé à avoir des extensions en productions d’écrits :

- A partir du moment où les enfants ont inventé leurs propres constructions au coin « bricolage » au lieu de suivre les indications d’une fiche, il devenait légitime de leur proposer d’en rédiger la fiche de construction.

- Les expériences, de leur côté, étaient suivies depuis quelque temps déjà de rédactions de compte-rendus (schémas + textes).

- Les activités de recherches documentaires, également, ont commencé à se retrouver à la frontière de la production d’écrits et des sciences quand, par exemple, Pénélope et Pauline ont dû trouver la manipulation permettant de comprendre les mouvements de la terre et du soleil alors que leur travail avait débuté de manière purement livresque.

Dans ces trois domaines, des langages différents ont été mis en œuvre autour d’une même activité : on pourrait alors considérer que la multiplication des points d’approches langagiers transforme l’activité en projet.

 

 

 

Comment le dispositif est organisé

 

 

A gauche, sur une colonne, la liste des activités proposées au choix, soit :

 

 

 Lire / écrire

 Ecrire un récit de vie

 

 Ecrire une histoire inventée

 

 Ecrire une poésie

 

 Recherche doc

 

 Préparer une présentation de livre

 

 Préparer une lecture à haute voix

 

 Lire son livre de bibliothèque  *

 

 Ecrire une lettre à un correspondant

 

 Math

 Création math *

 

 Compas

 Choisir un dessin et le refaire

 ou

 Inventer un dessin avec le compas

 Peser (balance)

 Apprendre à peser des objets :

  - Équilibrer les plateaux avec des poids

  - Compter les poids

  - Ecrire les résultats

 Mesurer (décamètre, mètre, centimètre)

 Apprendre à mesurer des longueurs.

 Ecrire les résulats avec l’unité qui convient

 Coloriage magique

 Demander au maître de faire une photocopie et colorier sur la photocopie

 Construire des volumes

 Reproduire le patron sur du carton à petits carreaux

(crayon et règle)

 Découper, plier et monter

 Arts plastiques

 Peinture

 

 Dessin : feutre ou craie ou trait

 

 Mosaïque

 

 Quadrillage

 

 Mandala

 

 Gribouillage

 

 

 

 


 Bricolage

 Faire un bricolage du classeur

 

 Inventer un bricolage

 Ecrire une fiche de montage : schémas et explications (on peut s’inspirer des fiches du classeur).

 

 


 Sciences

 Classeur « science et technologie »

 Choisir une expérience et la réaliser

 Ecrire un texte (matériel, déroulement, explication), faire un schéma

 Electricité : expérience ou montage

 Si c’est une expérience, faire comme pour classeur « science et technologie »

 Plantations : semer, planter ou observer

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 Géographie

 Paysages

 Travail expliqué dans le classeur « Paysages »

 Recherches documentaires

« Enfants du monde »

 Savoir comment vivent les enfants dans d’autres pays (utiliser la fiche-guide réalisée collectivement)

 Globe

 Repérer des pays sur le globe.

 Les colorier sur le planisphère et légender.

 Livrets « Plans » 1 et 2

 Faire le travail demandé dans les livrets (d’abord le 1 puis le 2).

Utiliser une feuille à petits carreaux.

 Fiches « plans et cartes »

 Demander au maître de faire une photocopie, puis travailler sur la feuille photocopiée.

 

 


 Histoire

 Recherches documentaires

 Préhistoire, Gaulois, Gallo-romains

 « Apprendre des choses » sur ces périodes de l’histoire

 Fiches « Dates et temps »

Demander au maître de faire une photocopie, puis travailler sur la feuille photocopiée

 

Les différentes activités proposées sont classées en rubriques. Pour certaines d’entre elles, une explication concernant le but ou les modalités de l’activité sont à la fois une aide au choix et une direction donnée au travail à réaliser.

 

Parmi les activités proposées, certaines sont connues des enfants :

-          parce qu’elles faisaient partie des « menus » du premier trimestre (écrire un récit de vie, écrire une  histoire inventée, faire un bricolage du classeur, classeur « science et technologie »..)

-          parce qu’elles ont déjà été pratiquées de manière collective (les créations de math, les présentations de livres…)

-          parce qu’elles sont le prolongement d’activités réalisées collectivement. Ainsi, l’activité « paysages »ou les recherches documentaires en histoire.

 

Au mois d’octobre, nous sommes allés nous poster sur la colline pour observer le paysage, en déterminer les différents plans et les décrire. De retour en classe l’activité s’est poursuivie sur des photos que j’avais prises depuis la colline : il s’agissait de décalquer les plans, de les colorer pour bien les distinguer puis de remplir un tableau pour lister les éléments observés dans chacun des plans. La même suite de tâches est demandée sur des photos d’autres paysages (de montagne, de mer, de ville, de campagne..). Un prolongement est proposé en peinture : reproduire le découpage des plans de la photo sur la grande feuille de peinture. Ensuite construire un paysage imaginaire en choisissant d’autres couleurs que celles des plans de la photo puis en dessinant au-dessus avec des feutres ou des pastels.

 

Les recherches documentaires en histoire font suite à la sortie que nous avons réalisée sur le site gallo-romain de Saint-Romain en Gal, près de Vienne. Nous avions alors complété ce que nous avions découvert par des lectures dans le livre d’histoire. Le travail proposé ici est assez dirigé : pour chaque période, des thèmes sont proposés. Pour chacun des thèmes, une fiche de documents (photos, croquis, textes, frises, cartes…) et une fiche de travaux à réaliser sur ces documents (observations, recherches de renseignements….) est fournie aux enfants. Des travaux y sont proposés sur la période gallo-romaine ainsi que d’autres sur les autres périodes qu’il nous revient d’étudier cette année. Il est rappelé que la prochaine sortie aura lieu sur le site néolithique de Charavines, que, par conséquent les travaux proposés sur la préhistoire pourront permettre de préparer la sortie ou de compléter les informations que nous recueillerons.

 

Le fiches « plans et cartes » et « dates et temps » font aussi, d’une certaine manière, partie de cette catégorie d’activités qui ont eu leur point de départ dans des activités de la classe. Avant la sortie à Saint-Romain en Gal, nous avions, pour aboutir à la frise des siècles, travaillé sur le temps des enfants et celui de leurs familles, sur l’arbre généalogique. Nous avions aussi travaillé sur le plan de la classe et de l’école. Ces fiches reprennent différemment ces activités et en proposent des prolongements.

 

Les activités d’arts plastiques sont également connues, l’atelier mosaïque ayant naturellement démarré à la suite, là encore, de cette fameuse sortie chez les gallo-romains.

 

D’autres activités ne sont pas connues, comme les recherches documentaires « enfants du monde », les livrets « Plans », « Electricité ». Pour démarrer cette dernière activité, deux séances collectives sont très rapidement organisées : des tâtonnements individuels accompagnés de mises en commun me semblaient nécessaires pour que les enfants intègrent quelques notions de base (qu’est-ce qu’un circuit électrique ? ses composantes ? les points de contacts ?). Cela me semblait devoir permettre, par la suite au cours des temps d’activités personnelles, des tâtonnements plus profitables ou des réalisations mieux maîtrisées. 

 

 

Le choix proposé n’est pas clos, d’autres activités seront rajoutées en fonction de la vie de la classe, des propositions des enfants ou du maître, des différentes stimulations que le groupe recevra (notamment par les journaux reçus des autres classes). Un mois après la mise en place de ce nouveau dispositif, on remarque plusieurs rajouts : écrire une lettre à un correspondant (suite au démarrage d’échanges individuels à l’intérieur du groupe de classes qui échangent leurs journaux), inventer un « coloriage magique ». Depuis le début de l’année, de nombreuses créations de math des enfants consistent à garnir des zones sur des dessins de nombres ou de calculs. Des coloriages magiques ont été publiés dans des journaux d’autres classes. A partir de ces deux éléments, il m’a été facile de proposer aux enfants cette possibilité. L’extension du choix est naturellement ouverte aux propositions des enfants : il faudra se saisir des premières propositions pour « amorcer la pompe »… 

 

Des activités peu pratiquées, ou nouvelles, pourront être lancées ou relancées par des séances collectives de démarrage : ainsi la création de poésies, de nouvelles propositions d’activités d’arts plastiques ou de science : la structure est suffisamment souple pour autoriser toutes les formes de pilotage, y compris le lancement d’activités par les enfants eux-mêmes.

 

Les procédures de choix  

 

Sur le reste du tableau la liste des élèves. Chaque élève dispose d’une ligne du tableau sur laquelle il inscrit ses choix. Deux règles sont données, surtout importantes dans le temps de mise en route, pour éviter quelques écueils. Il est d’abord demandé de ne pas choisir une activité nouvelle si l’activité précédente n’est pas terminée, sauf en cas de blocage manifeste. Ces situations de blocage sont relativement fréquentes. Plusieurs exemples :

- un texte doit être montré au maître avant saisie sur l’ordinateur mais celui-ci n’est pas disponible,

- au cours de la préparation d’une expérience, il manque un objet ou un ingrédient,

- la peinture commencée a été décrochée par quelqu’un d’autre qui s’est installé…

Plus le temps des activités va s’individualiser, plus les blocages seront fréquents. On a alors la possibilité de commencer une nouvelle activité, puis de revenir à l’activité précédente par la suite. Quand une activité est terminée, et à ce moment-là seulement, on peut barrer sur le tableau l’activité choisie. Cette première règle a pour but d’éviter le « zapping ». L’autre demande faite aux enfants est de changer de rubrique à chaque choix et d’opérer progressivement des choix dans toutes les rubriques. Dans les classes, un certain nombre d’enfants a tendance à faire toujours le même type d’activité, par manque de sécurité personnelle, par crainte de la nouveauté ; ce qui est nouveau inquiète, semble devoir demander plus  d’efforts, avec une réussite qui paraît plus aléatoire puisqu’on n’en maîtrise pas encore les composantes. C’est une tendance qui n’est certes pas réservée aux enfants ! Apprendre, c’est aller vers l’inconnu, vers le plus complexe : en tant « qu’animateur d’école », nous sommes tout à fait fondés à avoir ce type d’exigence, l’enfant devant savoir qu’en cas de difficultés il pourra bénéficier de toute l’aide nécessaire. 

 

L’extension du temps et de l’espace

 

Cette extension du champ des activités a nécessité une modification de l’espace, l’organisation de nouveaux « coins ». Il y avait déjà un coin pour les arts plastiques (peinture et dessin), un coin pour le « bricolage ». La récupération de quelques vieux bureaux supplémentaires a permis d’installer un coin « science » comportant 3 places assises, un coin « math » à 4 places, dont l’une est réservée à l’utilisation de la balance. Deux autres espaces, polyvalents (tables individuelles à certains moments, coins à certains autres) ceux-là sont réservés au travail autour des textes ou à l’histoire / géographie.

Ces activités nécessitant un moindre matériel, les tables qui leur sont affectées peuvent facilement faire double emploi. Les autres tables sont exclusivement des tables individuelles. Dans les moments à dominante « activités personnelles », les enfants s’y installent quand les places des « coins » sont toutes occupées.

 

 

Deux plages horaires quotidiennes sont réservées aux « activités personnelles » : une le matin et une l’après-midi de 45 minutes à 1 heure chacune. Le matin, les enfants ont la possibilité d’entrer dans la classe et de démarrer leurs activités dès qu’ils arrivent à l’école. Ceux qui préfèrent jouer dans la cour en attendant l’heure d’entrée générale dans les classes ont la possibilité de le faire. La matinée commence par la réalisation d’un exercice ou deux de français programmés au cours d’une séance collective de français construite autour de textes ou d’extraits de textes des enfants qui a lieu le vendredi matin pendant environ 1 / 2 heure. Les enfants passent  ensuite à leurs activités personnelles jusqu’à 9 h 45, heure de la réunion du matin. Ceux qui entrent en classe dès leur arrivée ont ainsi plus de temps pour mener ces activités. Ce « plus de temps » n’est d’ailleurs pas l’intérêt principal de cette organisation. L’essentiel est de permettre aux enfants de construire un autre rapport à l’école : ce n’est plus un lieu où l’on vient exclusivement subir les injonctions des professeurs, c’est  aussi un endroit où l’on vient poursuivre des activités choisies et commencées les jours précédents. Il s’agit de contribuer à l’idée qu’en plus de l’obligation légale d’être là, il peut y avoir des raisons d’y être pour son propre compte, avec ses propres objectifs.   

 

 

Le planning collectif est-il un plan de travail ?

 

Dans les classes coopératives, le plan de travail, dans son acception la plus répandue est un outil qui a plusieurs buts :

-          permettre à l’enfant d’anticiper ses activités sur un temps donné,

-          articuler les demandes institutionnelles (« le programme ») et les activités personnelles choisies par les enfants (pour une période donnée, le maître demande que soient prévues par l’enfant des activités – fiches, écrits, lectures…. -  qu’il devra obligatoirement accomplir à côté du travail qu’il aura choisi)

-          garder une trace des travaux des enfants à destination des familles ou pour permettre des retours critiques pour une meilleure organisation future du travail

J’ai utilisé pendant plusieurs années ce type d’outil qui, à l’usage, m’a semblé comporter un certain nombre d’inconvénients. Certains enfants, plus lents, avaient parfois du mal à faire beaucoup plus que les activités que je demandais sur la période considérée, le temps qu’ils pouvaient alors consacrer aux activités choisies était réduit. Pour certains autres, l’effort nécessaire pour réaliser ces activités était tel qu’ils préféraient consacrer le temps restant à des activités faciles, plutôt occupationnelles, moins porteuses d’apprentissages. Dans ces deux cas, le rôle dévolu au dispositif « activités personnelles » est parasité : donner du sens par le choix mais aussi permettre des itinéraires les plus variés possibles dans l’appropriation des langages. Dans un même ordre d’idée, si les demandes du maître sont prioritaires, on introduit artificiellement une hiérarchisation entre les activités qui vient en contradiction avec l’extension du champ des modes d’accès possibles au savoir. Ces observations m’avaient conduit dans un premier temps à séparer ces deux ordres de travaux : le plan de travail ne concernait que les activités choisies, les activités « obligatoires » (essentiellement du travail sur des fichiers de lecture, d’orthographe ou de math) étant réalisées à d’autres moments.

 

J’avais aussi observé que ce mode d’organisation était gourmand en temps : à chaque période (chaque semaine ou chaque quinzaine) un temps était consacré à la préparation des plans (chacun écrivant les activités qu’il projetait sur sa semaine) et au bilan (pour pointer les écarts entre les prévisions et les réalisations et reporter au plan suivant les activités qui n’avaient pas été menées à leur terme). Or, il est extrêmement difficile d’estimer le temps nécessaire à une réalisation : ce temps varie beaucoup selon l’activité, selon la manière de la mener à bien, selon les individus, etc... D’autre part, l’arrivée d’informations non prévues (messages électroniques, fax, journaux..) venaient fréquemment chambouler les prévisions et les ordres de priorité. Les prévisions étaient rarement tenues. Cela m’a conduit, dans un deuxième temps, à supprimer ces temps de prévisions et de bilan, le plan servait alors à noter au fur et à mesure les activités, comme un simple agenda, pour ne pas oublier.

 

Certains enfants avaient, là encore, beaucoup de mal à utiliser leurs « agendas », il fallait faire des rappels incessants.. et il se trouve que certains des enfants qui ne notaient pas n’étaient pas toujours ceux qui oubliaient le plus ! Et comme les plans rapportés à la maison, parfois pratiquement vides (ne reflétant alors pas du tout l’activité réelle de l’enfant) n’interpellaient pas les parents…

 

Le plan de travail individuel était peu à peu devenu caduc.

 

Le fonctionnement du planning collectif est différent. Les activités de type fiches ou exercices sont faites dans d’autres temps. On passe d’une activité à une autre, sans contrainte de temps. On peut commencer une activité nouvelle, en cas de blocage comme cela a été évoqué plus haut, ou bien si un travail plus urgent se présente. L’absence de contrainte de temps peut paraître une faiblesse dans une telle organisation : en fait, l’expérience m’a montré que l’organisation plus classique en plan de travail individuel ne permet pas de résoudre ce problème. Les temps de bilans individuels avec l’enfant, en dehors du temps très important qu’on est obligé d’y consacrer, ne permettent pas aux enfants de progresser dans ce domaine (elle les maintient plutôt dans un constat d’échecs successifs qui peuvent entamer le capital de confiance que l’enfant a en lui-même). D’autre part, si de semaine en semaine, l’enfant se lance dans des activités vraiment nouvelles, l’expérience de la gestion du temps dans certaines activités n’est pas toujours transposables dans d’autres. Sans cette contrainte de temps, rien n’empêche qu’une activité devienne un véritable projet, rebondissant d’un langage à l’autre, avec la possibilité d’être alimenté par la vie du groupe et ses connexions avec l’extérieur. Le problème des enfants qui « traînent » est un autre problème sur lequel le maître peut intervenir de manière individuelle plus efficacement que de manière institutionnelle. Un de mes rôles dans ces moments d’activité est aussi d’aider à avancer, de relancer, de rappeler à la tâche en cours… et je ne m’en prive pas !

 

 Une autre articulation entre les activités personnelles et les demandes institutionnelles

 

J’envisage d’une autre manière l’articulation évoquée plus haut entre les activités choisies et les demandes institutionnelles. Je vais l’illustrer dans le domaine de la langue écrite.

 

Au cours des activités personnelles, les enfants produisent des écrits de différents types. Une fois par semaine, à un moment fixe, le même jour chaque semaine, je reproduis sur le tableau un texte d’enfant. Le texte peut être proposé par l’enfant ou choisi par moi-même avec l’accord de l’auteur.  Un travail d’observation est mené collectivement avec toute la classe. Le but est moins de « mettre le texte au point » ou de « l’améliorer » que d’observer des faits de langue utilisés par l’auteur. On s’entraînera à trouver les sujets pour comprendre le lien avec la terminaison des verbes, on observera l’utilisation du passé composé dans un récit de vie, on cherchera les noms pour comprendre le singulier ou le pluriel…. Une trace écrite sera tirée des observations et conservée dans le classeur de l’enfant.

 

A la suite de ce travail, seront programmées une ou deux fiches de travail que l’enfant devra réaliser à son rythme, au cours de la semaine qui suit, à un moment de la journée prévu pour cela. Les fiches utilisées dans la classe ne sont pas de simples « exercices d’application », elles sont faites pour prolonger les observations et aider à les structurer. Cette suite – observation collective, travaux individuels – ne doit pas être comprise comme un apprentissage. C’est en effet bien dans les temps de productions d’écrits que se réalisent les apprentissages afférents au langage écrit. Le temps programmé est un temps de repérage et de structuration de compétences acquises ou à acquérir ailleurs, à l’occasion de projets de l’enfant (ou de la classe quand nous nous lançons à plusieurs, ou à tous sur des projets collectifs d’écriture) menés à bien au cours des activités personnelles.

 

Il y a ensuite un retour de ces temps d’observation-structuration dans les écrits personnels. Quand un « fait de langue » a été observé et qu’un enfant, dans une production ultérieure, commet une erreur ayant rapport avec l’observation, elle lui est signalée. Il peut alors se servir de la trace écrite rangée dans son classeur et, en cas d’insuccès, demander de l’aide à un camarade, le temps observation-structuration ayant fait entrer la connaissance dans la culture de la classe. 

 

Il me semble que je maîtrise assez bien cette articulation en ce qui concerne la langue écrite, c’est pour moi bien moins évident en mathématique. En effet la pratique que j’ai des créations mathématiques est encore trop embryonnaire pour que se mette en place cette articulation de manière satisfaisante. Elle ne me semble pourtant pas impossible pour peu que, comme pour les productions d’écrits, se mette en place une diversification des productions et de l’utilisation du langage mathématique dans des domaines où il peut être naturellement utilisé : sciences, histoire (pour la représentation du temps), géographie (mesures de l’espace, échelle des cartes…)…  

  

 Visualiser les apprentissages réalisés au cours de ces activités

 

La mémoire des activités réalisées me semblant importante, j’ai décidé de ne plus demander aux enfants de s’en occuper. J’ai ouvert sur l’ordinateur de la classe un fichier portant le nom de chaque dans lequel je fais la liste avec le plus de précision possible des activités terminées. A la fin de chaque période, cette liste sera imprimée et jointe au classeur d’évaluation de l’enfant pour qu’elle soit vue par la famille. Ces listes pourront servir, éventuellement, par la suite, à faire des bilans avec des enfants de manière individuelle si le besoin apparaît.

 

Pour l’instant, des bilans sont faits de temps en temps, sans périodicité régulière, pour que l’enfant vienne me dire ce qu’il a appris ou appris à faire au cours de ces activités. Les enfants peuvent aussi, quand ils le souhaitent, venir me solliciter pour que je complète cette liste. Je compte également recueillir ce genre d’information au moment de la présentation des travaux réalisés. Seules comptent ici, pour l’instant, les déclarations de l’enfant. Il n’est pas prévu dans le dispositif de départ de les vérifier, l’objectif étant de montrer à l’enfant que ces activités sont sources d’apprentissages, de le sensibiliser à l’attention qu’il peut leur porter comme moyens d’apprendre. Il est également d’ouvrir au maximum le champ des objets d’apprentissage pour que chacun trouve en terme de construction de l’estime de soi « chaussure à son pied ». 

 

Les activités individuelles alimentent la vie du groupe

 

On a vu plus haut qu’un certain nombre d’activités interviennent en prolongement, ou comme une extension d’activités réalisées auparavant par le groupe. En aval, la plupart des productions afférentes à ces activités sont, à différents moments, présentées au groupe et pourront servir de points de départs à des activités plus collectives.

 

La réunion du matin est le principal moment de présentation des travaux (textes, productions d’art plastiques, enquêtes, recherches documentaires…) qui parfois donnent lieu à des rebondissements, demandes de compléments. L’enquête sur les spectateurs de tel ou tel film, sera utilement complétée par un texte racontant le sujet de film. La présentation d’une expérience scientifique peut ouvrir sur d’autres questionnements que le réalisateur de l’expérience ou d’autres peuvent prolonger par de nouvelles manipulations. Certaines recherches peuvent donner lieu à une trace écrite rédigée par le maître comme mémoire des notions abordées (ainsi la recherche sur les mouvements de la terre et du soleil) incluant ou non des schémas ou textes rédigés par les enfants. La plupart du temps, d’ailleurs, la trace écrit a été réalisée pour publication au journal, ou pour mise en mémoire dans les classeurs de la classe.

 

D’autres productions pourront déboucher sur de véritables études collectives, en particulier sur des sujets en lien avec les programmes. Ainsi les travaux sur les paysages. Plusieurs enfants ayant schématisé des photos de paysages de montagne, deux séances collectives ont été organisées. Elles ont débuté par la présentation du travail des enfants et se sont poursuivi par une étude des formes du relief et des étages de végétation dans le milieu montagnard. A la suite de ces séances, des documents décrivant les modes de vie des habitants de la montagne ou la vie des animaux ont été mis à disposition pour une éventuelle poursuite de ce travail par des enfants que le sujet intéresserait.     

Christian DREVET Mars 2005