Opinions et positions

L'espace : un élément fondamental (CREPSC)

Le droit de se lever sans faire d'histoires
Georges Gagnaire (directeur de SEGPA)

Voir l'enfant comme une personne
Catherine Chabrun

Tenir compte des compétences des enfants avant les règlements
Laurent Ott

 

 

L'espace : un élément fondamental
CREPSC

L’espace où se construisent l’enfant et le groupe est un élément fondamental et incontournable de cette construction. Non seulement l’espace mais aussi son contenu, son ouverture à d’autres espaces, à la fois sa réalité et sa perméabilité. Il est élément essentiel de l’acte pédagogique. Il induit obligatoirement une pédagogie différente.

Les individus et les groupes doivent pouvoir s’approprier leurs espaces. Les façonner et les modifier. Cela fait partie de la construction de la personne. Il doit donc être aussi morcelable de façon à permettre la réalité de petites structures.

Il doit permettre la mobilité des enfants. Aucune autonomie ne peut se construire hors la mobilité.

Il doit permettre l’appropriation d’espace individuel. Des êtres humains peuvent passer maintenant une vie entière sans avoir un seul moment un espace où ils puissent être seuls !

Enfin il doit être inclus dans l’espace plus vaste dont fait partie l’enfant. Et cet espace là n’échappe pas non plus à la nécessité absolue et urgente de son agrandissement.

Autrement dit, l’espace n’est pas la condition pour que certaines pédagogies puissent se réaliser, c’est un élément fondamental, avec le temps, de la construction de l’enfant.

 

 

 

 

 

 

 

Le droit de se lever sans faire d'histoires
Georges Gagnaire (Directeur de SEGPA)

Comme le grand Albert (Jacquard, grand philosophe) je pense que le fondement du droit est qu'il n'existe qu'un droit, le même pour tous... Comme le grand Celestin (Freinet, grand pédagogue), je pense que pour bien enseigner, il vaut mieux commencer par faire vivre... Comme Mehdi Benhyaya, grand élève de ma classe de 3ème SEGPA), je pense que je n'arriverai jamais à rester 2 heures le cul sur une chaise... Je n'ai donc jamais pu me résoudre à être le seul dans ma classe à avoir le droit exorbitant de me lever quand j'en avais envie !

La règle dans mes classes était donc qu'on pouvait se déplacer mais qu'il fallait néanmoins respecter une chose : laisser les autres travailler.

Cette simple règle, valable pour tous (même moi) et à tous les moments de la vie de la classe a toujours été suffisante pour que le calme règne (en général) dans ma classe.

Se lever pendant un moment de travail collectif (discussions, cours, exposés, visionnement de vidéo...) était rapidement jugé inadmissible même par les plus remuants sans (trop) de cris.

Je crois que ce "devoir" de rester assis était compris simplement par l'existence du "droit" de se lever sans faire d'histoires, quand le déplacement était possible ou nécessaire. Il n'a fallu ni 20 heures de conseil coop ni 200 pages de règlement pour en arriver là. Le simple bon sens et l'idée d'équilibre entre un droit naturel et un devoir tout aussi naturel ont suffi, je crois. Ça avait été dit, ça avait été compris, ça marchait.

Bien sûr, la vie de la classe n'était pas faite que de moments collectifs, et le travail en groupe ou individuel exigeait même les déplacements : aller chercher le matériel, ranger un bouquin, piquer un crayon, aller jeter un papier à la poubelle (sans le froisser pour le recycler...), aller voir machin qui avait un document ! Il m'arrivait même d'être plus souvent assis que mes élèves !

J'aimais bien la tête de mon directeur quand, en rentrant dans ma classe, il ne me trouvait pas tout de suite, alors que j'étais sagement assis à aider un groupe d'élèves et qu'il y avait 3 ou 4 personnes debout dans la classe, néanmoins manifestement au travail...

L'écueil essentiel n'était ni les élèves, ni la "hiérarchie", mais plutôt les collègues en but à des élèves leur disant : "Mais chez M.Gagnaire, on peut se lever pour...". Mais qui avait raison ? Souvent, je leur demandais si eux restaient assis pendant les cours, mais la réponse était toujours la même : "C'est pas pareil, avec toi, c'est toujours les élèves qui ont raison".

Pas toujours, non, mais souvent oui...

Pour une expo, j'ai demandé aux élèves de noter tout ce qu'il y avait d'important dans la vie de notre classe... La réponse unanime a été : dans la classe, on peut se lever, même pour aller boire au robinet.

Ce n'était pourtant pas le plus important pour moi.

Pour moi. l'autre difficulté était les déplacements à l'extérieur de la classe. Même si les collégiens ont une plus grande vessie que les "grande section" il leur arrive souvent d'avoir besoin de sortir de la classe pour aller aux toilettes, et là, la règle de l'établissement n'était pas très ouverte : WC fermés en dehors des récrés, déplacements seuls tout simplement prohibés (il faut dire qu'un élève avait foutu le feu il n'y a pas très longtemps).

Notre sauveur a été un gamin handicapé qui ne pouvait ni tenir deux heures, ni descendre facilement les escaliers. J'avais donc négocié de lui laisser une clé des toilettes à l'étage et il y allait quand bon lui semblait en laissant la porte (de la classe) ouverte. Je n'ai pu résister très longtemps à la pression des autres. Je lui ai donc permis de prêter la clé, expliquant aux autres que s'il y avait le moindre problème, je serais sans doute obligé de supprimer la clé, même pour l'élève handicapé (c'était pas très vrai ni très joli, mais bon...). Il n'y a jamais eu ni abus ni (gros) problème. Mais, pour moi, la bataille a été rude pour gagner cette liberté !

 

 

 

 

Voir l'enfant comme une personne
Catherine Chabrun

Quand on parle des droits des enfants à l'école, le "libre pipi" comme le droit de ne pas "aller au froid" pendant les récréations...et bien d'autres, on en revient toujours à ignorer l'enfant comme personne et à ne voir que l'élève unique à valeur quantitative : âge, classe, moyenne, horaires, somme de leçons ingurgitées...

Du coup l'espace a été découpé pour que tout le monde y fasse la même chose. Les toilettes sont dehors dans un seul lieu et si peu intimes que beaucoup d'enfants n'y vont pas.

Une seule sorte d'espace pour les récréations: la cour et le préau...pas de lieu au chaud, au calme et bien sûr le temps a été aussi découpé pour régler cet espace restreint.

Alors même si on laisse l'enfant se rendre aux toilettes, il lui faudra descendre des escaliers, sortir dans la cour...l'hiver il doit s'habiller...

Le respect des droits de l'enfant passe aussi par une réflexion autour de l'espace. Ils y passent au moins 8 heures, c'est 1/3 de leur vie ce n'est pas rien.

Il faut arrêter de remplir les écoles jusqu'à plus soif. Il faut des bulles d'air. Ce peut-être un combat ? Un mot d'ordre ?

 

 

 

 

 

 

 

 
Tenir compte des compétences des enfants avant les règlements 
Laurent Ott

Je ne connais pas de sujet qui suscite autant de passions que celui de la libre circulation; autant de passions d'ailleurs que de positions différentes d'un lieu à un autre; et ce, paradoxalement alors que l'appréciation des uns et des autres est assez homogène: oui, on sait un enfant doit être sous la surveillance d'un adulte. Oui, mais après?

J'ai connu des écoles dans lesquelles, la seule chose qui n'émeut pas, c'est l'enfant qui circule par corvée, mission ou punition.

D'autres peuplées pourtant d'adultes pas forcément plus progressistes mais qui avaient juste fait et connu l'expérience que c'était possible et mieux, laissent les enfants monter et sortir seuls de classe, changer de salle, et ce , dès le CP (et oui, ça ne marche d'ailleurs pas si mal!)

Il y a des écoles où on m'a fait des histoires car je voulais sous ma surveillance garder des enfants en classe! Celle où je suis aujourd'hui permet même aux enfants de remonter après la cantine dans les classes, allumer les ordinateurs, travailler pour leur compte, utiliser la photocopieuse... Progressiste? Non! Juste individualiste; on y a intégré l'idée que chacun étant responsable de ses élèves, faisait comme il l'entendait avec eux. Et les enfants l'ont plutôt bien compris; ils se disent: Cette année, je suis avec Mme Machin, je sais que je vais devoir me ranger et sortir aux récrés".

Personnellement, je ne suis pas à la recherche de la définition de plus de règles, de lois et de précisions... Il est de bon ton d'en demander toujours davantage; je trouve pour ma part, que c'est rajouter des barreaux à nos cages.

Ma position dans ce domaine est la suivante; je suis responsable de mes élèves; j'assume ce que je leur laisse faire; je ne m'offre pas comme victime , je ne suis pas maso, je tiens compte également des compétences de mes élèves.

Soyons clairs: quand je sors, je ne compte pas mes élèves: je regarde juste si les deux ou trois que j'ai peur de perdre me suivent. C'est sur cela que je me base dans mon travail. Il faut que je donne à chacun la dose de sécurité dont il a besoin et surtout pas plus!

Bien sûr, les directeurs et inspecteurs sont de fâcheux personnages; ils craignent de partager nos prises de risques, à leur corps défendant. Je les comprends un peu mais pas trop. Ils devraient savoir faire la différence entre la responsabilité offerte à partir d'un projet et d'un travail et ce qui pourrait être un laisser aller coupable et irrespectueux pour l'enfant.

Donc, maintenant en fonction des écoles, je transigerai peut être sur le rang, et les entrées, mais probablement pas sur la possibilité de rester en classe quand j'y suis, et de circuler avec mon consentement dans les couloirs.

C'est comme ça quoi qu'on dise... Ah bien sûr, j'ai intérêt à pas avoir trop de problèmes. Mais les parents ne sont pas tous des brutes assoiffées de procès. Beaucoup sont honnêtes et savent qu'éduquer c'est aussi prendre des risques, s'ils sont justifiés par un projet.