Bérangère
Pendant la réunion de ce matin, un de mes élèves a proposé aux autres
enfants de faire du vélo.
Autrefois, je l'aurais submergé de questions ou alors je serais passée
directement à une discussion de groupe.
Cette fois-ci, j'ai choisi une autre option; j'ai dit à ce petit garçon:
tu dois t'organiser pour monter ton projet: tu travailles avec les enfants
qui sont intéressés par ton projet et vous décidez de la date, de l'horaire,
du lieu et de ce qu'il faut faire pour pouvoir faire du vélo.
En fin d'après-midi, la date, l'horaire, le lieu et la lettre aux parents
étaient prêts.
3 h de travail d'équipe ( en 3 fois) dans une ambiance assez sereine et
surtout très sérieuse.Je n'ai rien imposé. J'ai été bluffée. Et pourtant,
bien que certains de leurs copains aient été sur l'ordi, à la BCD ou en arts
plastiques, aucun n'a envié leur place et tous les enfants ont participé: du
non lecteur au très bon lecteur.
Le bilan météo était très ensoleillé.
Comme dirait ma collègue Sophie, j'ai kiffé grave.
Moi, je dirais plutôt que des larmes de joie me sont montées aux yeux.
Quel métier bouleversant !
Benjamin
Et si on
retournait la question :
Pourquoi la volonté de la quasi totalité des enseignants d'imposer aux
enfants une activité, de faire qu'ils fassent tous la même chose au même
moment ?
Pour ma part, depuis que j'ai arrêté mes ateliers de maths, de lecture,
d'écriture, le fonctionnement de ma classe s'en est trouvé bien simplifié.
J'ai beausoup gagné en souplesse, et je n'empêche plus des enfants de faire
ce qu'ils ont à faire.
Je pense que quand ils se sont lancés dans une activité avec vraiment le
désir d'apprendre (qui peut être beaucoup plus fort que celui d'être lu, ou
de tout autre objectif concret), rien ne peut les arrêter, même pas un
maître qui vient les aider de façon trop dirigiste.
Benjamin (nouveau sur cette liste, sur les conseils de David Faveeuw, je
travaille en cycle 3 à l'école LORCA de Vaulx en Velin, avec Bruce)
Ludo
Pour ma part,
j'aurais tendance à penser que si un enfant fait ce qu'il choisit, c'est
qu'il a un intérêt à le faire (passer le temps, chercher quelque chose,
prendre du plaisir, apprendre, jouer, etc...).
Si c'est nous qui choisissons, l'enfant n'aura plus comme alternative parmi
tous ces intérêts que ne pas se faire engueuler, qu'on le laisse tranquille
parce qu'il aura fait ce qu'on lui demande et éventuellement, apprendre
quelque chose si cela colle à ses intérêts du moment.
Si c'est nous qui choisissons, nous régissons la vie du groupe et ce n'est
plus les différents membres du groupe qui régissent le groupe par la
communication qui peut exister. Face à 15 ou 30 enfants, nous en
contenterons quelques uns mais pas tous...
Concernant ma place, j'ai aussi du mal à me situer car cela dépend des
jours. Il y a des jours où je vais laisser les enfants chercher et d'autres
où je vais les épauler pas mal. Plus que des jours, cela dépend des enfants
et de ce qu'ils font d'ailleurs. Il est bien évident qu'un enfant de 4 ans
qui veut écrire quelque chose sur son canard dans la ruche au jour le jour,
je vais l'épauler fortement. Par contre, je vais le laisser se dépatouiller
avec les engrenages ou la porte du poulailler...
Un exemple peut sûrement nous aider à réfléchir à ça, c'est l'apprentissage
du vélo ou des rollers...
Daniel
A
mon avis, les choses ne sont pas si simples sur "qui doit faire le choix".
Parfois,
si c'est nous qui choisissons pour l'enfant qui ne sait pas vers où aller,
ça peut lui ouvrir un horizon nouveau qui lui donne envie. N'oublions pas
qu'à côté d'enfants autonomes et/ou plein d'envies, il y a aussi ceux qui
pour des raisons multiples (manque de confiance en eux ; non-habitude à
être "stimulés" à la maison, etc...) sont perdus face à un choix. Leur
proposer une direction qui nous paraisse bien pour eux peut être
intéressant et facilitera des choix autonomes pour plus tard, quand
l'enfant sera prêt.
Juliette
C'est rigolo, ces messages, je
viens d'en parler avec un ami, de ces mômes qui ne choisissent rien, qui
sont avant tout perdus devant les choix...
Dans un langage plus
imagé, il m'expliquait qu'il avait un tempérament qui faisait qu'il
avait besoin qu'on lui "botte les fesses",
et, munie de cette hypothèse (que
j'avais du mal à envisager tant j'en suis éloignée, de ce tempérament),
je me suis posé la question de
savoir qui avait ce genre de tempérament dans ma classe.
J'en ai trouvé quelques uns, qui
ont effectivement peu de choix à la maison, ou bien un tempérament...ou
je ne sais quoi.
Peut-être que les représentations
qu'ils se font de l'école sont trop bouleversées par ce que je leur
propose...
Ce sont les seuls que je piste
désormais dans la classe un peu systématiquement, et ils s'en trouvent
mieux.
Le prof se retrouve alors
dans une position de diagnostic sur le degré de guidance favorable à
chaque enfant,
et le dosage est surtout
intuitif...
Il faut un prof attentif à chaque
enfant, à chaque humeur, à chaque tâche...rien de prévisisble ni de
cartésien quoi!
Moi, cette conversation
toute bête m'a appris combien j'avais du mal à imaginer qu'on puisse
être différent de moi,
ce qui n'est pas rien dans
l'acceptation de l'Autre.
Pour finir sur cette
histoire des représentations, ils m'ont expliqué, en cherchant ensemble
le nouveau plan de la classe,
avec nos nouveaux meubles, que mon
histoire d'atelier n'avait aucun intérêt,
vu qu'ils s'installaient là où bon
leur semblait (à part le coin lecture à la bibliothèque qui leur semble
encore légitime!)
et qu'ils préféraient avoir une
classe "normale"...
Je me suis dit que la force des
représentations était bien plus importante que ce que je croyais, dès
cet âge là...
Et qu'il y a du bon pour eux à se
sentir dans une classe "normale", avec un bon cours frontal,
régulièrement...voire quotidiennement...
Le dosage, même au niveau
de l'emploi du temps (et donc du plan de la classe!) du degré de
guidance, semble bien être
le mouvement de balancier qui
rythme mes interrogations pédagogiques. En ce moment, on en est à moitié
travail personnel,
quart de travail du deuxième type,
genre groupes décidés ensemble, ou sport, musique, et quart de frontal
de base...
Et la plupart des enfants semblent
s'y retrouver, moi aussi.
Au fond, ça me semble
vraiment long d'apprendre à choisir!
|
Philippe
Il me semble que nous sommes nombreux à vouloir organiser
la structure pour que, le plus souvent possible et donc tout le temps à
terme, ce soit l'enfant qui choisit son activité.
Pourquoi cette volonté ? Arriverait-on à
être explicite sur la réponse ?
Pour moi, ... c'est important .... ça me semble évident ...
mais quand j'essaie d'expliquer pourquoi je ne suis pas clair.
Et, j'ai surtout été étonné d'apprendre que pour certains
collègues (amis) cela ne leur paraissait pas important : "A partir du
moment où ils sont en activité, c'est quasi pareil".
Hélène
Philippe R nous a confié sa
difficulté a entrer dans une relation d'aide avec les élèves, et d'après
le groupe cette difficulté pourrait venir de la conception que
l'enseignant peut avoir quant à son rôle dans la classe. Je m'explique.
Ce qui est ressorti c'est que si on
conçoit que l'origine du savoir, des apprentissages, des activités (je ne
trouve pas le mot) doit venir exclusivement de l'enfant, que l'élève ne
peut avoir d'apprentissage efficace et vrai que s'il choisit lui même d'y
entrer, sans la demande, l'obligation du maitre, et bien il devient
impossible à celui ci d'interférer dans les activités au risque de fausser
la démarche entamée spontanément par l'élève. Les questions qui se sont
posées étaient de savoir comment aider les élèves sans avoir
l'impression de les obliger à entrer dans une activité; qui est, ou qui
doit être à l'origine du savoir, des apprentissages? etc...
Ma petite expérience fait que je
rejoins assez Philippe dans l'idée que les enfants vont certainement plus
s'investir, et du coup mieux apprendre??, s'ils ont eux mêmes choisi à un
moment de faire telle ou telle activité, et celle ci me parait plus vraie,
plus authentique, plus efficace?, que si l'élève fait une activité sur la
demande, l'obligation de son enseignant.
Maintenant, il est à mon
avis possible à la fois de laisser les élèves être à l'origine de leurs
apprentissages, de les laisser entrer d'eux mêmes dans le savoir, tout en
les aidant et en les accompagnant. Il parait que pour moi cette aide est
naturelle (dixit Philippe), et je n'ai pas l'impression d'interférer
dans les démarches personnelles quand j'aide, même fortement, mes
élèves.
je ne suis pas sure d'avoir été
claire, et d'avoir retransmis au plus juste le coeur du problème qui nous
a animé hier soir.....Philippe, je t'appelle au secours pour compléter ces
premières infos!!!
J'ai trouvé intéressant aussi le
débat sur la correspondance scolaire.
Trés étonnée de voir que pas mal de
personnes du groupe n'y voit pas plus d'intérêt que ça. Il me semble quand
même que quand les élèves écrivent dans le but d'être lus, et dans
l'espoir d'avoir une reponse, il ont une motivation pour l'écriture bien
plus forte que quand ils font des écrits qui n'ont pas d'autres avenir que
d'être rangés dans un classeur....La discussion a aussi beaucoup tourné
autour de ce sujet....
Bérangère
Les enfants vont certainement
plus s'investir, et du coup mieux apprendre??, s'ils ont eux mêmes choisi à
un moment de faire telle ou telle activité, et celle ci me parait plus
vraie, plus authentique, plus efficace?, que si l'élève fait une activité
sur la demande.( Hélène)
Effectivement, c'est l'idéal.
Mais dans certaines circonstances, un enfant peut se trouver en incapacité
de choisir une activité pour des motifs d'ordre divers et l'adulte est là, à
mon sens, pour l'aider à s'orienter. Il arrive , dans ma classe , que B ou
M.., enfants perturbés et instables, me disent qu'ils ne savent que
faire et qu'après plusieurs propositions de ma part, ils en choisissent une
et je sens alors leur soulagement.
Christian D
Il me semble - mais c'est un avis perso - que la question du choix et de
qui décide (l'enfant, ou l'adulte, ou le groupe, ou .... ) n'est pas un
objectif, plutôt un moyen ou mieux une stratégie de recherche.
Pour moi, l'objectif c'est que les enfants progressent dans la maîtrise de
langages qui leur permettront d'une part de s'intégrer dans des groupes
sociaux et d'avoir un rapport au monde, d'autre part d'avoir la capacité
d'agir sur ces rapports sociaux et sur le monde.. Ce n'est pas un objectif
très différent de ce qu'on peut lire dans les objectifs de l'institution
(selon la lecture qu'on en fait, puisque c'est tellement bien formulé que
chacun peut y trouver chaussure à son pied). C'est ce que je mets sous la
notion de "tronc commun" (même si tout le monde n'y met pas la même
chose).
Dans le cadre de cet objectif, on a, les uns et les autres, des
stratégies. Il me semble que la stratégie de Philippe c'est : essayer de
faire en sorte que l'enfant choisisse le plus souvent possible ce qu'il
fait + gingo (euh Bingo, pardon !). D'où le fait qui est dans l'ordre des
choses - Philippe poursuit sa lige de recherche - qu'il souhaite aller au
congrès pour échanger sur cette stratégie et sur tout ce qui se fait
autour des arbres de connaissances. C'est vachement intéressant en tant
que stratégie : c'est une ligne d'action et peu à peu on voit ce que ça
donne dans la réalité, si ça fait aller ou non vers l'objectif.
Bon, maintenant on peut dire - et alors à ce moment là "3type" se
caractérise par une stratégie ou un moyen et pas par un objectif - que la
spécificité de 3type c'est que l'enfant "doit savoir que c'est lui qui
décide", pourquoi pas... J'ai dit à plusieurs reprises à Philippe que je
ne me reconnaissais pas dans "3type" et c'est sans doute de là que
provient le fait que je suis mal à l'aise avec les propositions que vous
avez faites à Lyon.
Je pratique aussi, de temps à autre, le "texte libre obligatoire", les
recherches collectives de math ou autres quand elles me paraissent
porteuses d'apprentissages possibles, je leur propose des moments
collectifs à partir des textes qu'ils produisent, j'utilise des fiches de
travail en prolongement des observations rélalisées sur les textes,
j'essaie de mettre en place des moyens de diffuser ce qu'ils produisent,
je fais aussi de l'histoire (qui est un domaine que les enfants abordent
peu par eux-mêmes)..... Et dans mon fonctionnement de classe, ou dans "ma
stratégie de recherche", le fait de savoir qui décide n'est pas un critère
pertinent, ce qui ne veut pas dire, non plus, que l'enfant ne décide pas.
Il faudrait alors peut-être dire que "3type" est une des stratégies de
recherches des "CentreS de recherche...." qui est un lieu où ce qui avait
plutôt démarré c'était un travail autour des petites structures et de la
communication - et là je me retrouvais tout à fait .. Du coup, un
groupe "3type" peut très bien être au Congrès sous cette "étiquette", mais
alors ça concerne ceux qui se retrouvent derrière cette stratégie et pas
vraiment les CREPSC.. ou alors les deux deviennent la même chose mais ça
me paraît dommage....
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