Dans les messages, la description quotidienne des tâtonnements enseignants met en exergue l'importance du processus. Décrire ses tâtonnements c'est donc décrire les processus. Peut-on relever des constantes dans les processus qui conduisent de l'état d'ordre (structure traditionnelle de l'école) à l'état d'organisation, voire d'auto-organisation (le mot fétiche des années 70 : autogestion !° ?
Les premières stratégies ou hypothèses : Philippe R : (...) Je me garde donc de leur présenter d'autres outils qui risquent de retarder le moment de créations, de projets personnels(...) - Bérangère : J'ai commencé à organiser la mémoire de la classe (...)
20.09 : Sylvain : nous avons donc établi une première liste d’activités à disposition et relatives à tous les ateliers ouverts .... et les interrogations de Laurent : Quels pourraient être les processus de mise en place des ateliers et des réunions? Ou les différentes stratégies possibles? Vaut il mieux mettre en place d'abord ou au fur et à mesure?
24.09 : Note de la mise en page : Deux cas particuliers : Christian Drevet et Philippe Lamy. Ce sont deux vétérans des pratiques de 3ème type, Christian en classe unique, Philippe en classe de cycle en milieu urbain. Tous deux viennent de changer d'école, Philippe toujours en classe de cycle et milieu urbain, Christian dans une classe à seulement 2 niveaux dans l'école du chef-lieu ("le monstre froid"). Afin de suivre plus facilement des processus qui redémarrent à zéro en ce qui concerne la classe mais pas en ce qui concerne les enseignants, nous mettrons leurs propos sur fond vert.
18.01 05 : Roland L : Le temps de la gratuité, un atelier pour générer d'autres choses
20.01.05 : Pascale B : Démarrage de la journée par un marché des connaissances.
21.01 : Annick : Allez, j'attaque par le plan de travail, on verra après.
Juliette G : je pense qu'elle est là la mayonnaise dont on cherche la recette: sur le canal qui relie les 3 types!
15.03 : Frédéric. Histoire de marottes. Je ne sais pas ou on va mais ils sont motivés
04.04 : Sylvain - L'information d'où naissent les projets : allez vous promener !
Démarrage par une phase statique, engendrer du dynanisme La phase "statique" n'est pas terminer. Il leur reste à
découvrir des trucs et tant qu'ils n'auront pas fait le tour, je n'ai pas
l'impression que ce sera génial ; d'où encore l'importance du temps passé
pour un enfant dans une structure ; la première année passée dans la
structure pouvant être consacrée uniquement à l'observation, l'appropriation
des coins et ateliers. Lorsque l'on a les enfants que 2 ans, on essaie de
compresser désespérément ce temps et c'est véritablement chiant ! |
Bérangère La mémoire de la classe
L'appropriation des coins est , au départ, un processus assez lent, qui, par
nature, effraie nombres d'enseignants ( dont "je") et qui , plus tard, je
pense, s'inscrira dans une dynamique réelle de
découverte/observation/tâtonnement/interaction, le tout dans le désordre le
plus ordonné ! |
Sophie Billard Classe de Cycle 3 en réaction à Philippe R Dans ma classe c'est a peu près les mêmes phénomènes
que j'observe. retour début - retour menu 3type Sylvain (message complet dans démarrage) (...) Enfin, il est fortement apparu qu’en terme de stratégie de réussite il valait mieux débuter ce démarrage par une assise forte de tout ce qui est de l’ordre de la vie du groupe et du fonctionnement de la structure de classe avant d’entamer ce qui concerne plus précisément les soucis purement scolaires et didactiques. Il semble plus opportun de faire en sorte dans un premier temps que les enfants puissent interagir et s’investir dans des activités qui font sens pour eux plutôt que de tenter de susciter des engagements correspondants davantage à nos préoccupations d’enseignants, qu’ils fassent un minimum de lecture par jour par exemple ou qu’ils s’entraînent à la maîtrise de compétences scolaires. Pour tenter de dépasser ces difficultés rencontrées, nous avons envisagé plusieurs stratégies. D’abord la tenue de réunions de concertations hebdomadaires pour nous, enseignants de classes uniques. Ça n’a pas encore pris le rythme souhaité à cause de tous les autres soucis d’organisation liés à la gestion de l’école et à l’accueil des nouveaux collègues. Il nous est en effet paru central de ne pas créer une sorte de ghetto, confortable pour nous mais sectaire pour les autres. Et les journées n’ont que 24 heures ! Nous tentons également la mise au clair de toutes les activités possibles dans la classe, sachant que lors de la phase de découverte, il est apparu que les enfants n’entraient pas forcément dans des activités fécondes en matières de langages et de communication. Avec eux, nous avons donc établi une première liste d’activités à disposition et relatives à tous les ateliers ouverts. Ça semble porter ses fruits et être un outil indispensable. retour début - retour menu 3type
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Laurent B en interaction avec Sylvain à propos des ateliers permanents
Ces ateliers ont du être installés par toi, à peu près en
même temps (?). Tu parles d'une phase de découverte:
lors de la phase de découverte, il est apparu que les enfants
n’entraient pas forcément dans des activités fécondes en matières de
langages et de communication. Avec eux, nous avons donc établi une
première liste d’activités à disposition et relatives à tous les ateliers
ouverts. Ça semble porter ses fruits et être un outil indispensable
et de listing d'activité. Les ateliers
deviennent donc l'activité essentielle de la classe, c'est ça ? Et il y a
même l'air d'y avoir des activités pour quand les ateliers sont complets:
au centre de la classe se trouvent des tables dites « tampons » qui
permettent aux enfants de faire des activités non relatives aux ateliers
et/ou de faire autre chose en attendant que des places se libèrent dans un
atelier souhaité. Ce qui est vraiment l'inverse
des trucs plus traditionnels comme chez moi: la bibliothèque quand un truc
est fini (pas le bled mais si proche...) Renversement total ! (encore que
tes "tables tampons" ressemblent un peu à mes ateliers) Quels pourraient être les processus de mise en place des ateliers et des réunions? Ou les différentes stratégies pssibles? Vaut il mieux mettre en place d'abord ou au fur et à mesure? Les 2? (lesquels alors !) J'ai le même problème avec les réunions. Je sens qu'il y a des réunions qui disparaitront certainement, comme le quoi de neuf du matin, d'autres qui pouuraint rester un peu plus longtemps, comme le conseil du jeudi, d'autres qui se retrouveront dans d'autres : la "revue de presse" et les "exposés/recherche" qui pourraient être plus tard dans une même réunion de "socialisation/présentation". Le vrai problème pour moi, c'est que ne sachant par quel bout attaquer, je fais de tout et surtout rien du tout. S'il n'y a pas trop de projets personnels (ce qui est plutot encore le cas chez moi), il n'y a pas lieu de faire une réunion pour montrer ou organiser; et même pas avoir besoin d'un atelier quelconque.Et s'il n'y a pas d'ateliers, il n'est pas possible de mettre en oeuvre des projets personnels. Alors, par où ça commence ??? Par des réunions vides d'objets? Par des projets sans possibilité de mise en oeuvre? Par des ateliers où les enfants glandent? Pas par les 3 quand même ???!!... retour début - retour menu 3type |
Après 18 ans à Longechenal en presque classe unique (CP à CM2, je n'avais pas les maternelles qui étaient dans la classe de ma collègue), je me suis lancé à "affronter" le "monstre froid" de l'école de chef-lieu de canton. J'y ai hérité d'un CE1 / CE2 (deux tiers CE1 / 1 tiers CE2).
Mon premier objectif est que les enfants comprennent qu'on peut faire au même moment des choses différentes, puis qu'ensuite on peut se montrer ce qu'on a fait : ce me semble la première étape de la constitution d'un vrai groupe (les enfants viennent de 3 classe différentes) ainsi qu'un premier pas dans la communication.
J'essaie de mettre en place une publication à parution fréquente (toutes les 2 semaines dans un premier temps) qui sera portée aux autres classes de l'école (6) et envoyée à un petit réseau de classes proches (à l'intérieur du département). C'est pour moi le premier support de la communication avec l'extérieur. Nous avons distribué le premier numéro aux classes de l'école en fin de semaine dernière.
La messagerie ce sera, éventuellement pour plus tard. D'autant que, pour l'instant, l'école n'a pas de modem (grillé depuis plusieurs mois) , que je nai pas d'ordinateur dans la classe (mais : ouf ! il y a une prise téléphonique, puisque c'est l'ancienne classe du directeur, ce qui autorise tous les espoirs ! ) |
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Le temps de gratuité, initialement un temps où les enfants pouvaient choisir parmi plusieurs ateliers que je proposais (écoute d'un livre CD, jeu awalé, bricolage - construction, etc). Puis progressivement ils ont proposé d'autres ateliers (coloriage, perles, fabriquer des avions, etc). Certains ateliers sont devenus des échanges de savoirs : apprendre à dessiner Diddl (cf pièce jointe), jongler avec des foulards, ... Ce temps gratuit ou librement choisi est un début de lest lâcher, qui aura l'effet de se propager, pour organiser le tutorat par échange de compétences, de valoriser des élèves enfoncés dans un "négativisme" de leur possibilités... Le matin, le temps avant la récré du matin était consacré au lire/écrire, avec des ateliers organisés et avec le choix possible. Puis avec le journal, le site de la classe et les messages, des élèves s'engagent dans des tâches (rédiger un article, écrire un message, lire les journaux, préparer une lecture...). Mais cette organisation m'a submergée et les élèves sont trop en difficulté : je ne peux me dédoubler et aider tout en même temps les non lecteurs-non scripteurs, les apprentis lecteurs et les lecteurs qui n'aiment encore se lancer dans des textes un peu plus longs. Je vais peut-être revenir aux ateliers plus rassurants et clairs pour les enfants de CLIS, en ménageant un ateliers "aide-écrivain/lecteur", où ils pourront mener leurs projets d'écriture/lecture avec moi. Il est vrai aussi que des coupures de 3 semaines à un mois pour cause de formation, entrainent pas mal de difficultés pour mener sereinement les projets, pour mettre en place les nouveaux modes de fonctionnement... Roland retour début - retour menu 3type Je rebondis sur le message de Roland car je suis en plein tâtonnement de ce côté-là justement. Depuis huit jours, nous commençons les journées du lundi et du jeudi par un marché de connaissances de 30 mn qui a remplacé provisoirement ( ou définitivement , les enfants doivent faire le bilan dans une semaine) le Quoi de neuf. A l'accueil, j'inscris au tableau les enfants qui proposent une info, un savoir, une présentation et le titre de leur proposition. Nous avons fixé les inscriptions à 10 maximum pour qu'il y ait la possibilité d'être au moins deux pour une proposition . Avant de clore le marché, je demande à chacun de me dire le nombre de "visiteurs" reçus. Si un enfant n'a personne au bout de 10 min, il peut fermer son atelier et circuler dans les autres. L'introduction de ce marché a coïn cidé avec l'arrivée de Deni, le petit Tchétchène, dans notre classe et ça a permis un accueil mémorable pour tout le groupe. Les enfants qui suivaient distraitement le QdN sont souvent ceux qui s'investissent le plus et sont les plus actifs dans le marché, je prends des notes et j'essaierai de faire un petit dossier aux vacances de Février si ça marche toujours aussi bien. |
J'ai intégré cette année l'école C. Péguy à Villepinte
(93), choix qui s'est justifié, entre autres, par le fait qu'à Péguy
pré-existe un embryon d'école Freinet en la personne de deux membres du
groupe GEPEM (Cathy Magna et Christophe Morin) et que la structure offrait
l'avantage de comprendre 3 classes de cycle 2 (CP/CE1) et 4 classes de
cycle 3 (CE2/CM1/CM2). Il s'agissait pour moi de venir renforcer le
projet, projet toujours de structure en cycles. J'ai repris une structure qui rappelle quelque peu celle
de Lavoisier,c'est-à-dire la présence d'ateliers permanents avec le
plan de travail correspondant. |
Ce n'est pour l'instant qu'une formalisation de ce qui se passe dans la classe, insensiblement, cette structuration du temps s'est mise en place. Les gamins auront 1/2h matin 1/2 soir sur leur PDT. On commence comme cela, on verra bien après. C'est la vie avec eux qui va faire évoluer les choses. J'ai tjrs fait comme ça ! Pas de théorie avant ! On fait, on regarde et on régule ! Si ça vs intéresse je vous donnerai des infos sur le fctnt régulièrement (mais si ça ne vs intéresse pas, cela ne me gêne pas non plus ! :-))) A vs lire retour début - retour menu 3type
Il y a quelques
semaines, un de mes élèves a lancé l'idée de fabriquer des marottes. |
Juliette J'ai un plan de travail assez comparable à celui d'Annick, et je m'aperçois qu'il sert vraiment comme support de discussion avec l'enfant surtout. Je ne le respecte pas plus qu'eux à la lettre, il a bougé pendant 3 mois. Il nous sert à nous rassurer mutuellement sur ce qu'ils font, et à assurer le minimum syndical (engagement sur des projets collectifs, 5 récitations par trimestre, et des ceintures, pour aller au collège tranquille!...)
Vu qu'il est autorisé, au final d'y écrire "exposé sur l'éléphant" pendant toute la semaine, sur ce qu'on a vraiment fait, ou même "awalé", il ne me semble pas coercitif. Juste un moyen pour eux de pouvoir communiquer ce qu'ils ont fait, et pour le conscientiser en le publiant : en gros, on négocie avec l'instit, et il suffit d'être convaincu de ce qu'on a fait... et de ne pas passer 2 semaines sur l'awalé, oui, c'est vrai, une semaine me semble suffire, et le subjectif de l'instit est bien le critère de remplissage du Plan de Travail... j'insiste pour qu'ils le remplissent, je le complète avec eux (la partie : ce que je prévois de faire) pour les informer qu'à cette saison, ce serait bien de s'intéresser un peu plus à la ceinture jaune de grammaire par exemple...) mais il arrive que la même demande de ma part reste lettre morte pendant des semaines, voire des mois, tant que le gamin est ... pas dans mes pattes! Et puis le côté rassurant (pour chacun) me semble une bonne bouée pour plonger dans l'océan du troisième type... j'ai plein d'élèves angoissés par le choix et la liberté...sans parler des parents. Et de la maîtresse!
Tant que les parents ne sont pas rassurés, leurs gamins sont inquiets... et ça joue contre les apprentissages.Et le plan de travail est un bon outil de discussion pour les parents aussi, qui doivent le viser chaque semaine (à la place du cahier du jour... un bon subterfuge, ils ont quelque chose à signer!)
L'art de la concession fait partie du métier, et j'ai fait une dictée la semaine dernière (bon, coopérative, mais dictée!) alors que j'avais fait de sa suppression l'emblème de ma pédagogie...je ne savais plus comment on faisait, j'avais vraiment arrêté depuis 3 ans! je me sens maintenant au-delà de ce symbole, dans un espace social où nous concédons ensemble du temps à intégrer la dimension "dictée"... en se posant des questions ensemble. Il faut dire que l'orthographe est le dernier souci de la majorité de mes élèves... et que ça commence à devenir le mien! alors je me sers de la dictée pour rappeler la dimension scolaire ET sociale de l'orthographe... ça fait de nouveau partie de la "cohérence" de la classe, et ça me vient d'un pressentiment (les instits ont les oreilles larges!) que des gamins auraient intérêt à ce que leur école (qu'ils apprécient sans exception) ne soit plus mise en doute par leurs parents... en faisant des dictées... et en apprenant la division, comme tout le monde (on va finir par la faire, on en a besoin pour convertir les durées...et ça, ça leur plaît!)
Donc je navigue allègrement entre les 3 types (je fais même la main à la pâte avec une mallette d'électricité, on casse des ampoules...le typique deuxième type!), et je pense qu'elle est là la mayonnaise dont on cherche la recette: sur le canal qui relie les 3 types! et la cohérence de ce canal, c'est bien aussi celle de la personnalité de l'instit je crois, personnalité qui concède, arrange, rassure, bosse (pour rien?), réfléchit, bidouille...
Je suis pourtant désolée de ne pouvoir laisser chaque enfant vagabonder dans l'école sans Plan de Travail hebdomadaire, mais je ne saurais pas rassurer les enfants sans ça, quant à l'image qu'ils se font de l'école... et celle qu'ils auront à se faire. Bouh!? |
La sortie enquête : un futur antérieur Les « quoi de neuf ? » et divers moments de présentations s’avéraient pauvres, en tout cas pas suffisamment riches pour engager les enfants dans des projets d’exploitation. Parce que ceux que nous accueillons sont enfermés dans une cité urbaine populaire et qu’ils ont très rarement l’occasion d’en sortir, il s’agissait le plus souvent de comptes-rendus d’entraînements de foot, d’émissions de TV appréciées, de jeux dans la rue, de diverses fêtes, etc. En tout cas, pas assez pour dynamiser les ateliers permanents de la classe. J’avais eu vent, qu’en son temps et pour des raisons à la fois de santé et pédagogiques, Freinet organisait des promenades quotidiennes. A son grand étonnement, l’effet récréatif passé, les enfants s’étaient engagés dans des recherches fines qui ont eu pour conséquence une exploitation de données recueillies dans la classe au service de travaux scolaires liés à la vie. C’était en 1920. Mais pourquoi pas aujourd’hui au regard de la problématique soulevée par notre contexte ? Je présentais donc l’idée aux enfants de la classe en leur demandant ce qu’évoquait pour eux une « sortie-enquête. » Au départ, rien de bien précis, ou plutôt une : « Super, tu as caché des indices dans la cour et on doit chercher le coupable, c’est une enquête policière ! » Pas vraiment non. C’est en fait une sortie en dehors de l’école dont le but est de pouvoir rapporter des objets, des sons, des odeurs, des sensations, des images, toutes sortes de choses qui vont pouvoir faire l’objet d’une exploitation en classe. Une fois l’objectif compris, une liste de règles de sécurité a été établie : « près des routes, on reste rangés, on ne crie pas, on n’arrache pas les plantes, on prend garde de ne pas ramasser des objets dangereux (verre, seringues, …), on ne s’éloigne pas du groupe. » Enfin, les enfants ont proposé divers lieux de sortie, à proximité de l’école, nous n’avions qu’une heure de prévue. Ce fut l’heure du départ, quelques-uns uns pensèrent à emporter un pot, un sac, une loupe, bref, de quoi observer et collecter. Je m’attendais à ce qu’ils fassent de ce temps un moment de jeux et d’amusement et à mon grand étonnement, mais rien de tout cela. C’était pourtant un lieu qu’ils connaissent parfaitement bien (un minuscule jardin entre deux barres d’immeubles) mais ils m’ont donné l’impression de le découvrir. Le groupe se dispersa et beaucoup se mirent à quatre pattes pour mieux voir : « Maître, une fleur ! » « Viens-voir, des lézards ! » « On peut prendre ce bâton ? » Au bout d’un moment, une résidente âgée vint me voir, l’air renfrogné : « Vous savez que c’est privé ici et qu’on n’a pas le droit d’entrer ! » Avant que j’eus le temps de répondre, cette vieille dame se fit apostropher par une des filles qui lui demanda : « Madame, c’est quoi cette fleur ? » « Et bien, ma fillette, c’est un pissenlit ! » « Un quoi ? » « Un pissenlit, si tu en fais une infusion, ça évite de faire pipi au lit ! » Et la voilà embarquée dans de longues explications sur les raisons de son affirmation. En repartant, elle avait le sourire. En classe, presque tous les enfants avaient un projet : écrire un article sur le jardin, faire une présentation sur un bâton à forme insolite, préparer un exposé sur un insecte rencontré, essayer de résoudre l’énigme posée par un ticket de PMU déchiré : « C’est quoi le PMU ? C’est où Deauville ? », réalisé un montage artistique et bien d’autres encore. Depuis, les sorties enquêtes sont régulières. A chaque fois, l’engouement des enfants est le même et les surprises sont présentes. La plus forte a été la rencontre avec le cadavre d’un rat étêté qui a donné lieu à divers textes libres sur « l’histoire du rat sans tête. » Une autre fois, il a été question de la meilleure technique pour lancer un caillou de l’autre côté de la Mosson, la rivière du quartier. Lors de la dernière sortie-enquête, plusieurs enfants ont émis diverses hypothèses à la vue de deux cloportes qui se baladaient l’un sur l’autre. Pour clore la sortie, le groupe rédige un article pour le journal. Au-delà du travail de mise en mémoire de la vie de la classe, c’est pour les plus petits un support de lecture vivant et pour les autres l’occasion de communiquer par l’écrit et ainsi d’apprendre en plus du projet qu’ils se sont constitués. Au final, ce qui est le plus surprenant pour l’enseignant que je suis est l’intérêt que ces enfants portent à ce que j’estime comme étant des plus élémentaires. Ça les passionne et j’ai failli l’oublier. Le monde dans lequel ils entrent n’est pas encore totalement le leur et les activités scolaires passent souvent trop vite pour permettre des appropriations efficaces. Ils ont accès ici à de l’élémentaire et ces particules d’élémentaire sont constitutives de la complexité. En même temps, le monde qu’ils touchent lors de ces situations n’est pas didactisé, ils le rencontrent tel qu’il est avec toute la complexité qu’il véhicule. Nous avons donc un support pédagogique qui allie de la manière la plus souple qui soit le simple au complexe et le complexe à l’élémentaire. La classe coopérative est souvent comparée à une tour de Babel où se côtoient des dispositifs pédagogiques parfois très sophistiqués. Or ici, avec la sortie enquête, c’est la simplicité de la curiosité que les enfants apprécient. Merci Célestin !
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