Georges Pasquier - Catherine Chabrun - Patrick Ruelen - Michel Monot
"Moi aussi je sais le faire, je l'ai fait pour le journal"
j'étais loin de penser qu'ils s'approrieraient autant cette démarche
Rémi Castérès
Je voulais aussi demander pourquoi dans les arbres ACNE, il ny a pas de brevets scolaires. Ce qui ma surpris, cest que Vincent Dupuy ait déclaré dans sa présentation : « On fera paraître autant les savoirs scolaires que non scolaires dans notre arbre des connaissances. » À ma question, Vincent répondit : « Les savoirs sont tous scolaires. » Et il expliqua que plier un avion en papier, cest faire de la géométrie, fabriquer un gâteau, cest faire de la lecture, de la logique et de la chimie. Yvette Forgère, de la même école, souligna : « Les compétences sont reconnues. Elles sont listées. Cest un cahier dévaluation assez banal. Cest pas en compétition. »
Si jai bien compris, dabord il y a autant de savoirs scolaires que non scolaires, ensuite tous les savoirs sont scolaires, enfin, la preuve quon est pas contre, cest quon les met ailleurs, dans les cahiers dévaluation.
Bernard Collot
Il peut y avoir une multitudes d'approches différentes des AdC. Approches ou objectifs. Et, derrière, une multitudes d'hypothèses (une hypothèse n'étant qu'une croyance dont on veut vérifier l'exactitude). Ces hypothèses reposant bien sûr sur une pratique préalable, ce qui veut dire que toutes ont une base. Manifestement, bases et hypothèses sont différentes suivant chacun et c'est ce qui en fait la richesse. Il va être intéressant de voir ce qui en ressortira (out-put pour parler comme TriVium !). S'il y a alors des convergences, le fait que les points de départ sont différents leur donnera une vraie valeur.
Si les objectifs sont par exemple la dynamisation du groupe, ou l'insertion des enfants en difficulté, ou la conquête de son identité (hypothèse, l'enclenchement des processus d'apprentissage passe par la reconnaissance), ou la communication, ou l'entrée de la vie dans la classe, ou si l'hypothèse est que la construction des savoirs scolaires passe par celle de tous les savoirs, etc... alors il n'est pas étonnant de trouver essentiellement dans l'arbre des savoirs non scolaires, ce qui n'annonce pas forcément la nullité des savoirs "scolaires". (si on requalifie d'ailleurs "savoirs scolaires" en "savoirs formels", les savoirs scolaires ne sont plus alors que la codification de savoirs préalables (on leur a donné une forme) et il n'y a plus un grand antagonisme entre les deux.
Si l'objectif et les pratiques préalable sont par exemple l'individualisation des apprentissages et la différenciation des parcours scolaires, pas étonnant de voir alors les savoirs scolaires privilégiés.
Ce qui est intéressant, c'est de voir au fur et à mesure du déroulement de l'expérience AdC, ce qui évolue, ou n'évolue pas. Et aussi en quoi la carte AdC permet de visualiser ce qui se passe. Je n'ai malheureusemnt pas vos derniers AdC, mais il se trouve que pendant 2 jours j'ai planché avec 2 personnes venues en formation sur quelques arbres anciens. Sur les arbres correspondant au premier volet de l'approche (savoirs non scolaires) et utilisant l'ordre chronologique, on voit justement apparaître les savoirs scolaires... en haut de l'arbre et plutôt verts. Ce qui voudrait peut-être dire que leur appropriation n'est venue que... tardivement. Peut-être (PEUT-ETRE!) peut-on penser que dans la classe en question il y a eu d'abord recherche de reconnaissance des autres par les savoirs qui donnent une identité dans la cour de récré, dans la rue, à la maison... et qu'une fois l'identité affirmée de cette façon, elle se poursuit alors par l'attribution d'une certaine valeur à la recherche de la reconnaissance de l'identité scolaire. Peut-être peut-on se dire aussi qu'il a fallu que les enfants ont eu besoin d'affirmer d'autres capacité avant d'oser se dire "tiens, mais je suis aussi capable de m'attribuer un brevet soustraction". Dans cet arbre, le fait que peu d'enfant s'attribuent des brevets scolaires n'indique pas du tout qu'ils ne les possèdent pas et surtout que la maître ne les leur donne pas. L'arbre n'a manifestement pas été fait pour inventorier les capacités scolaires. Il avait un autre objectif. Mais sa lecture permet une multitude d'observations et d'hypothèses.
Tout va dépendre aussi du contexte dans lequel se situe l'arbre, des pratiques préalables ou des conceptions du maître. Dans l'arbre que j'ai fait étudier hier, on voyait bien que les 3 groupes qui y participaient étaient différents, ainsi que les maîtres. Recherche de la différence pour un (que des branches vertes), force du groupe dans l'autre (occupation du tronc), peut-être force du maître dans le troisième ou prudence du groupe (une branche en haut).Peut-être une pratique plus coopérative dans l'un, plus libertaire dans l'autre, plus familiale dans le troisième ? Peut-être grande différence dans les milieusx sociaux-culturels (grande difficulté pour les uns, milieu rural pour les autres...). Peut-être, peut-être...
Puis dans l'évolution de l'arbre, structuration de plus en plus différente avec un arbre qui se charpentait. Peut-être la communication s'accentuait ? peut-être qu'une fois l'identité affirmée dans son groupe on peut étendre ses cercles et oser s'affirmer avec d'autres ? peut-être évolution ou réorientation des pratiques ?
Si dans la construction de l'arbre la part du maître est importante, qu'il impose, induise la présence de compétences scolaires parce qu'elles lui semblent capitales, si sa "puissance" induit une sorte d'obligation à "passer" des brevets, ou si l'induction est surtout celle du groupe coopératif (c'est lui qui a la "puissance") ou si c'est la liberté totale, en ce qui concerne l'arbre, autant du choix des compétences, que de l'obligation ou non de s'y inscrire, que du moment où on décide de le faire, les arbres seront totalement différents ainsi que les pratiques qui tournent autour. Mais, cela ne veut pas dire les uns négligent les compétences scolaires ou que les autres ne tiennent compte que d'elles, ou qu'en cours de route il ne va pas y avoir une évolution chez les uns et les autres.
Quelles sont les fonctions de l'arbre ?
La lecture de l'arbre me semble importante : c'est une carte ! un observatoire. S'il ne fait apparaître que des choses que l'on sait déjà, il n'a alors que très peu d'intérêt. Pour moi il a ces 2 fonctions :
- Une structurelle : l'introduire, c'est introduire dans la classe un élément nouveau qui va apporter une possibilité de modification des fonctionnements. Peut-être va-t-il les simplifier par rapport à ce qui se passait avant. Ou au contraire va-t-il les transformer. Il est évident que s'il ne les rend pas plus efficients, il n'a pas d'intérêt. Or, à ce que je sais (ce que vous dites) et pour l'instant, quelle que soit l'approche de départ, les fonctionnements semblent plus efficients, même s'ils sont complètement différents.
- L'autre d'observation. Ce n'est qu'à partir de cette observation (celle de la carte et celle directe de la classe et des enfants) que l'on peut tirer des débuts d'affirmation, par exemple sur les savoirs scolaires ou non-scolaires ou se poser de nouvelles questions et orienter son action.
Toujours à propos des compétences non scolaires et scolaires. L'AdC, quand les 2 sont présentes, peut peut-être, non pas trancher un débat, mais donner des pistes : je prends toujours cet exemple (qui est réel): Une ado s'attribue un brevet "cuisine improvisée". Cad qu'ele peut repérer dans un lieu un certain nombre d'ingrédients, en choisir quelques-uns, anticiper sur ce que cela pourrait donner comme met en les mélangeant dans une casserole, en les faisant chauffer sur le gaz, au four, dans de l'eau.... en y ajoutant sel et poivre.... et obtenir un plat mangeable. Et cette ado ne réussit pas à passer un seul brevet "problème". Or si l'on remplace ""ingrédients par "informations", "casseroles, gaz..." par opérateurs, elle aurait toutes les capacités ou une bonne partie qui permettent la résolution de problèmes mathématiques (choix d'informations, transformations en langage mathématique, anticipation sur l'effet des actions possibles, utilisation d'opérateurs pour obtenir une nouvelle information qui répond au problème). Cette compétence non-scolaires exprimée peut alors poser question... au pédagogue : peut-être manque-t-il à l'enfant une capacité (par exemple passage d'un langage à un autre) ou peut-être est-ce lui, pédagogue, qui n'a pas su proposer à l'enfant une autre méthodologie d'apprentissage. C'est d'ailleurs exactement ce qui se passait dans ce cas : l'ado en question était incapable de suivre une recette de cuisine ... et son maître, très traditionnel, utilisait le problème en math pour vérifier si sa leçon avait été bien comprises. L'ado, bien qu'ayant "compris" n'arivait pas à reproduire... une recette. A l'école, elle n'avait pas de compétences mathématiques. Après l'école, elle a fait des études d'économie.... elle avait bien des compétences mathématiques acquises... dans la cuisine ou ailleurs et avant.
Dans les échanges que l'on fait, nous pédagogues, il y a toujours un hic : nous ne soulignons que les faits qui confortent nos idées. Peut-être qu'en n'hésitant pas à souligner aussi ceux qui les infirment, le contexte dans lequel ils se réalisent, alors on n'aurait plus à mettre en doute les faits et échanges et réflexion deviendraient alors féconds.
l me semble important de ne pas perdre de vue un des principes de base des arbres de connaissances: "Il n'existe pas de savoir (ou de brevet) en valeur absolue, tout savoir est immanent à une collectivité humaine." Ce qui fait que tout membre de cette collectivité peut être détenteur d'un savoir et en faire profiter les autres. La limite entre les savoirs scolaires et non scolaires devient donc beaucoup plus floue, voire presque inexistante et ce serait très bien.
Il est clair que l'enseignant proposera plus souvent des brevets correspondants aux objectifs scolaires, parce que c'est ce qu'il connaît bien et parce qu'il est payé pour ça. Mais il n'est pas sûr que c'est la maîtrise des objectifs scolaires qui en priorité permet le bon développement d'un enfant (les exemples ne manquent pas). Il est donc important pour moi de ne pas faire la différence entre brevets scolaires et non scolaires, elle se fera déjà assez toute seule.
Je suis absolument persuadé que le pire serait de scolariser les arbres de connaissances. On a enfin un système qui peut nous permettre de faire agir l'enfant comme constructeur de son savoir et de ses compétences, il serait regrettable de réduire ce système au rôle d'instrument pour faire passer des pilules préfabriquées.
Encore une fois, des brevets d'objectifs scolaires existent, peuvent être proposés (je donnais l'exemple des brevets livrets) mais ils n'ont ni plus ni moins d'importance qu'un brevet d'albanais ou de flûte.
Catherine Chabrun : Pas de découpage des grandes compétences scolaires - Lex compétences techniques et non scolaires se partagent et s'échangent.
Pour les brevets validant des compétences scolaires, je ne découpe pas une grande compétence, en sous-compétences. Ce découpage me semble trop rigide et enfermant. Pour moi, il y a les compétences "exigibles" par le système ( ex :entrée en 6ème) et les compétences issues des besoins du groupe classe.
Certaines compétences se mettent en oeuvre dans la pratique, celles des productions d'écrits par exemple et là on valide les compétences sans passage particulier (fiche ou test), les compétences "techniques" comme le traitement de texte sur l'ordinateur, l'utilisation d'un instrument (mesure, géométrie...) sont partagées et transmises. Un enfant demandeur pourra ainsi devenir ressource à son tour.
Pour les compétences "non-scolaires", on se sent plus libre. C'est un domaine plus humain, où l'échange prend toute sa dimension. Il y a les compétences mises en oeuvre dans l'échange par celui qui offre un savoir et celles du receveur. Celles du receveur peuvent être définies par le détenteur du savoir, par exemple : réussir à réaliser un origami, patiner en arrière....et puis si à son tour, il peut transmettre ce nouveau savoir.
C'est dans ce domaine, que j'essaie de réaliser l'arbre en papier dans la classe. Ce gros arbre dénudé du début d'année qui s'enrichit de feuilles en papier fur et à mesure des échanges.
Au lieu de lister des compétences associées à des constats (Acquis, en cours d'acquisition, Non acquis par exemple) à travers un livret qui se veut être objectif (TOUS les instits savent que ce n'est pas fiable d'une part et que ça sert à rien), je préfère afficher le caractère subjectif de l'évaluation en précisant que le brevet est réussi plutôt que la compétence acquise (cela me semble être plus honnête).
Bien sûr, certains diront que l'on peut remarquer que certaines compétences sont effectivement acquises lorsqu'il y a réinvestissement. C'est vrai, ils ont tout à fait raison, mais tout cela limite le nombre "d'items" pour la formalisation institutionnelle et sociale (j'entends par ici les parents et les collègues) de l'évaluation (je parle encore et toujours ! de l'évaluation qui ne sert à rien ! et oui ! Il faut que j'y passe par ce chemin !).
Tout cela renvoie aussi au deuxième caractère de cette évaluation. Tout comme elle se veut être objective, elle se veut aussi être exhaustive, d'où une liste élevée de compétences et de sous-sous-sous-compétences qui se veut être la "photo" de l'élève alors qu'elle est à mille lieux de l'être (il faudrait un nombre infini d'items, une évaluation objective de chaque item pour que la somme infinie de ces infiniments petits soit finie, et puisse être représentative pour l'instit qui doit par ailleur avoir une capacité délirante à se les représenter instantanément : cette évaluation est malheureusement de plus en plus dans ce délire !).
Et même si cela est possible, qu'en penser d'un point de vue éthique ? Chacun aurait sa fiche de compétences comme sa carte bleue ? C'est malheureusement vers ce système que la société tend à travers l'E.R.T. (Européen Round Table) mais je m'écarte un peu du sujet.****
Récapitulons : je ne souhaite pas utiliser un livret d'évaluation avec une liste de compétences pour les raisons indiquées ci-dessus, et je souhaite "faire quelque chose" pour formaliser l'évaluation (il s'agit toujours et encore de celle qui ne sert à rien). Je ne me sens pas prêt encore pour passer tout de suite à l'étape suivante : suppression de cette évaluation.
C'est pourquoi, en utilisant le système des brevets, j'affiche (ou plutôt je rend d'une manière implicite par le système) le caractère SUBJECTIF et NON EXHAUSTIF de l'évaluation pratiquée dans ma classe.
Bref, un brevet recouvre pour moi plutôt une capacité plutôt qu'une compétence. Exemple : "j'ai passé et réussi de nombreux diplômes grâce à mes capacités à les passer, et pas toujours grâce à mes compétences sur les sujets abordés - même si elles sont parfois utiles !"
Le brevet recouvre une réussite à faire, à produire, à entreprendre. Qu'en pensez-vous ?
Ce n'est pas un hors-sujet, car nous devons toujours avoir en tête lorsque nous mettons en place un système qui met en valeurs des savoirs ou compétences, ce que cela peut entraîner pour l'individu qui le subit.
Dans le système voulu par les économistes, l'individu sera seul dans la construction de sa "carte" et n'aura pas le choix de ses apprentissages (fonction de ses soi-disant capacités), pas de dépenses inutiles....Cet individualisme exacerbé leur garantira le pouvoir.
C'est pour cela que j'ai voulu construire un arbre qui nait des échanges entre les enfants, et ouvert aux savoirs plus personnels.
J'ai peur que l'évaluation scolaire poussée à l'extrême dans les sous-compétences, isole l'enfant dans son travail. Et que tout ce temps consacré à la préparation et au passage de ses brevets scolaires individuels, soit au détriment des situations d'échanges, d'expression , de communication...
Pour le moment, je suis encore dans le système pour les livrets, tout en essayant de donner du sens, en utilisant les brevets pour certaines compétences (quantifiables !)
Il y a aussi comme vous dites le problème des compétences strictement scolaires pour lesquelles il serait dangereux de penser qu'ils n'ont pas besoin de nous. Ils en ont besoin d'autant plus qu'ils iront tous au collège et que nous devons penser que les compétences exigées aujourd'hui de l'école élémentaire ne sont plus tout à fait celles de jadis.
Je repense aux déboires des pédagogies de la réussite. Au nom de la réussite de tous, on avait voulu valoriser les connaissances et savoirs faire non strictement scolaires, histoire de promouvoir la Personne et de corriger les effets pervers des cultures dominantes, c'est très bien. On esperait aussi par là un certain transfert : valoriser la réussite en gym par exemple permettait de mieux faire accepter l'école, d'obtenir un meilleur investissement de l'élève dans toutes les activités. On a parfois obtenu des miracles, c'est vrai, mais pas toujours autant qu'on l'aurait souhaité.
Bernard Collot : Pour l'instant les Arbres de Connaissances ne se situent pas dans une pédagogie particulière : Ils OUVRENT ! (à l'extrème limite on pourrait parler d'une démarche de la reconnaissance ou encore de la mutualisation, ou encore de la communauté éducative). S'ils s'appliquaient à une pédagogie, il n'y aurait même pas lieu de discuter ou de chercher : il suffirait d'appliquer !
Prendre en compte la Personne de l'élève, c'est pour nous d'abord, aussi et surtout, lui permettre d'accéder à un statut d'élève à part entière, qui aura maîtrisé les compétences fondamentales et tiendra la route lorsqu'il sera au collège.
Jean-Michel CALVI : Ceci me semble quelque peu réducteur et cantonner élèves et enseignants dans le cercle fermé de l'école. L'élève est uniquement une personne humaine dont l'objectif premier n'est pas de tenir la route au collège, mais d'être et de devenir, avec les autres. Que ceci passe par l'acquisition de compétences et connaissances, c'est évident, et l'école n'est là quant en que structure permettant, par son organisation, les communications qui permettront cette acquisition ; structure devant avoir de multiples intersections avec les autres structures où évoluent les enfants.
Des études l'ont montré : les élèves des classes uniques s'en sortaient statistiquement plutôt mieux, de ce point de vue, ce qui était assez paradoxal. La réforme des cycles est née en partie de ce constat, sans que l'on analyse assez peut être le problème au fond. Je n'ai pas travaillé en classe unique, mais j'y ai été élève, et je crois pouvoir dire que nous avions heureusement moins besoin du maître. Heureusement, car le maître était sans arrêt au four et au moulin, et que la part d'enseignement délivrée à chacun était mécaniquement réduite. Mais heureusement aussi car nous compensions : nous étions déjà au centre du système, au centre du système d'apprentissage, acteurs téléguidés par le maître cela mais recourant le cas échéant malgré les interdits au secours des autres : quand le maître est occupé, c'est plus facile de prélever sur l'ardoise du voisin un indice qui vous permet de relancer la machine à construire les savoirs.
Immoral peut être, à cette réserve près que l'apprentissage, depuis ses plus lointaines origines, consistait à observer le savoir faire d'autrui pour se l'approprier. Quelque chose de très naturel donc, plus encore que ne l'avait vu Freinet, qui avait bien vue que la scolastique mettait l'enfant en porte à faux mais dont le tâtonnement expérimental était plus proche de celui de l'inventeur que de celui de l'apprenti : ce dernier se réfère à un modèle et y revient constamment pour rectifier ses premiers essais, alors que le premier est plus isolé. C'est moins noble que le tâtonnement du chercheur, moins élitiste peut être, mais plus réaliste et plus démocratique : les inventeurs ont d'abord été des imitateurs.
D'ou l'intérêt que nous avions porté à une suggestion bizarre de Reuchlin, prof en Sorbonne certes mais ancien instit, qui parlait de réfléchir à la manière dont les animaux apprennent pour en tirer des conclusions pédagogiques. De façon tout à fait inattendue, et en reprenant bien des apports de Freinet, nous avons obtenu par là des résultats que je qualifierai modestement de très interessants.