Rôle de l'adulte
Partager de plus en plus le pouvoir
Rendre autonome et responsable chaque enfant. Rendre autonome et responsable le groupe.
L'adulte ne prend en charge que ce que l'enfant ou le groupe ne peut pas prendre en charge. Il cherche constamment à ce que l'enfant ou le groupe fasse de plus en plus de choses en autonomie, c'est-à-dire que l'enfant ou le groupe ait de plus en plus de liberté et donc de responsabilité.
Le choix de l'adulte au niveau de ses interventions a pour objectif de parvenir à donner à l'enfant ou au groupe à plus ou moins long terme le maximum de pouvoir et de liberté qu'il sera capable de gérer. L'adulte cherche donc à confier de plus en plus de responsabilités tout en s'assurant que l'enfant ou le groupe reste constamment en état secure et parvienne à les assumer.
Le partage du pouvoir repose sur la reconnaissance de la capacité de tous les êtes humains à organiser leur vie pour l'avantage maximum de tous.
Philippe, décembre 2019
L'art de la gouvernance
Pour réguler et fluidifier la vie dans la classe, l'adulte PILOTE un système et évite autant que possible de faire référence à ses valeurs, ses ressentis ou ses limites. Il est en effet beaucoup plus efficace de chercher à s'appuyer sur la structure : règles, fonctionnement, décisions déjà prises collectivement. Les actions des enfants sont ainsi réalisées sans lien avec les attentes de l'adulte, ce qui favorise la responsabilisation de chacun et du groupe.
Les perturbations de la classe seront l'occasion d'apporter des modifications ou des évolutions à la structure. Plutôt que d'en faire une affaire personnelle, il met à distance, élargit la problématique et accompagne le groupe à s'en emparer et à trouver des solutions.
Philippe & Cyriaque, octobre 2019
L'art d'être absent sans l'être ou d'être présent sans donner l'impression de l'être
Il est clair que de par notre taille, notre poids, notre barbe ou que sais-je, l'adulte est repéré même si l'influence de sa présence s'atténue avec le temps lorsque touS cheminent vers le partage des pouvoirs/responsabilités.
Ma position favorite pour y parvenir - même si le changement de place peut être utile - est une place située derrière le cercle constitué des enfants lors de la réunion quotidienne. Cette place a du sens dès lors qu'on prend le rôle de secrétaire sur le poste "ordinateur" qui projette sur le mur d'en face le planificateur collectif.
C'est la place qui me permet d'éviter d'intervenir trop tôt ou d'intervenir tout court. Il est par exemple plus facile d'éviter d'éventuels regards d'enfants, ce qui peut être stratégique parfois pour éviter de parler trop vite. Cela permet de laisser ainsi la place aux enfants qui interviendront quelques secondes ou quelques minutes plus tard.
C'est ainsi que je me sens le mieux pour être AVEC eux sans perturber leurs échanges.
Cette place me permet également d'intervenir si besoin pour soulever un point, pour soutenir, pour faire observer, ... en en disant le moins possible.
Philippe, mai 2017
Je trouve que Philippe a parfaitement expliqué la position de l'adulte, c'est celle que je prenais aussi.
Mon rôle était de garantir le cadre de la réunion et la sécurité affective de chacun.
Pour mes interventions, je laissais les enfants s'exprimer et s'il le fallait j'intervenais mais en fin de discussion ou de débat.
Pour ma part n'ayant pas le technologie adapté, je prenais des notes sur un cahier.
Les enfants eux avaient une feuille, comme un guide pour mener la réunion.
Sophie, mai 2017
Dans le documentaire Une journée dans la classe de Sophie, on voit à un moment Sophie qui baisse la tête en écrivant sur son cahier (ou en faisant semblant) lorsqu'elle ne veut pas que son regard perturbe les interactions entre les enfants. On la voit bien attendre que les enfants "sortent ce qu'ils ont dans leur ventre" avant d'effectuer une intervention qu'elle a prévu et qu'elle modifiera en fonction des dernières informations récoltées.
La récolte d'informations est capitale dans notre rôle d'ingenierie. Moins on parle, plus on récolte ... ;-)
Philippe, mai 2017
(...) oui, se faire discrète, en dire le moins possible et surtout après que tout le monde ait parlé, ce sont des attitudes dans lesquelles je me retrouve bien. Je me cache aussi derrière mon petit cahier de prise de note où je repasse parfois plusieurs fois sur un même mot pour avoir l'air concentrée sur autre chose quand je sens que ma présence pourrait parasiter. Et puis, quand je lève ma main pour demander la parole et que le président me fait passer devant tous les autres doigts levés, je lui signale gentiment que je peux attendre comme tout le monde. Je souris souvent intérieurement de cette drôle de position où je cherche à me fondre dans le groupe aussi discrètement que possible.
Avoir une attitude responsabilisante
Dans une école du 3ème type ou en chemin vers une école du 3ème type, TOUS les membres de la communauté éducative sont responsables. Chacun reçoit et prend les responsabilités qu'il est en mesure de gérer.
Les professionnels sont donc amenés à avoir constamment une attitude responsabilisante, c'est-à-dire à ne pas prendre en charge ce que chaque membre peut prendre en charge, et à prendre en charge ce que chaque membre ne peut pas prendre en charge.
Deux exemples :
- On va laisser un enfant de 3-4 ans s'habiller tout seul. S'il ne sait pas encore le faire seul, on va l'accompagner sans faire à sa place. Lorsqu'il résiste, on peut être amené à décider de l'aider tout en lui laissant quelque chose de manière à ce qu'il avance sur le chemin de la responsabilité.
- On va impliquer les parents de sorte à ce qu'ils participent à l'élaboration des orientations de l'école. Laisse-t-on les enfants en totale liberté ? Leur impose-t-on des activités, des temps collectifs ? Il ne s'agit pas d'une déresponsabilisation des professionnels mais d'une attitude responsabilisante afin que l'école, le projet, le système soit réellement porté par la communauté éducative afin d'en assurer le succès et surtout sa pérennité.
Même si une voix est une voix, qu'il s'agisse d'un enfant, d'un parent ou d'un professionnel, il est évident que l'avis des professionnels, formés aux systèmes éducatifs vivants et bénéficiant d'une expérience professionnelle, a inévitablement une influence sur les décisions. Ces décisions concernent les chemins, les détours et d'éventuelles marches en arrière momentanées que la communauté éducative doit prendre pour que tous les enfants soient constamment en état secure, tout en étant de plus en plus autonomes et responsables de leur épanouissement et de leur développement.
Les adultes et les professionnels se doivent donc d'être à la fois bienveillants et responsabilisants.
J'insiste sur le côté responsabilisant même si pour moi, il est pleinement inclus dans la bienveillance car j'ai constaté des dérives de ce qui est appelé parfois la bienveillance : infantilisation révélant un manque de confiance en l'être humain, déresponsabilisation, laisser aller jusqu'à l'aveuglement... et du coup la bienveillance voulue peut se révéler être de la malveillance voire de la maltraitance.
En conclusion, j'incite les facilitateurs à être aussi des responsabilisateurs.
Philippe, novembre 2016
Halte aux blocages !
Le développement cognitif naturel de l'enfant est sensible, et est très souvent perturbé voire fortement perturbé par des blocages ou mini-blocages occasionnés par l'acte d'enseigner. Au point que Marie-Danièle PIERRELEE a lancé en 2000 un manifeste intitulé "Halte au massacre des intelligences".
Le blocage
Le blocage ou mini-blocage peut avoir lieu lorsque l'enfant est placé dans une situation d'apprentissage et qu'il n'a pas besoin de cet apprentissage. Si le besoin est de faire plaisir à quelqu'un via cet apprentissage, il est fort probable que cela vienne également perturber son développement cognitif naturel puisque son envie d'apprendre pourrait ne plus être naturelle. Apprendre n'est alors plus un BUT mais un MOYEN !
A moins que la situation lui apporte du plaisir ou de la satisfaction (sentiment d'aisance), l'enfant risque de resentir une émotion désagréable au moment de l'apprentissage (honte, peur de ne pas réussir, obligation, ennui ...) qui ancre un marquage émotionnel négatif. La zone de l'amygdale dans le cerveau, qui "colore" affectivement nos expériences, réactivera l'émotion correspondante à chaque rappel d'une situation similaire ! C'est pour cette raison principale que les enfants disent qu'ils n'aiment pas telle ou telle matière.
Bernard Collot dit que s'il y a des techniques "formelles" à utiliser par les éducateurs, ce sont celles qui concernent les "déblocages" bien plus que les techniques ou méthodes d'apprentissage formel.
Les apprentissages formels ont cependant leur place quand il y a une demande, un besoin, ou du plaisir. Lorsque ce n'est pas le cas, cela dessert le développement cognitif de l'enfant.
Que faire ?
Placer un enfant dans une situation d'apprentissage est donc délicat, très délicat. Il est donc préférable que l'enfant soit à la source de ses apprentissages.
Pour cela, les enfants doivent pouvoir choisir les situations, les activités qui les conduiront aux apprentissages. Le professionnel chargé de l'éducation n'enseigne plus, il accompagne. Il peut être amené à expliquer à l'enfant des enseignements mais le contexte d'apprentissage est radicalement différent et beaucoup moins propice aux blocages.
Philippe, 2015
Bibliographie
Deux billets essentiels de Bernard Collot :
- L'adulte, il fait quoi dans les écoles alternatives ?
- Quelle posture adopter lorsqu’on est enseignant ou éducateur ? Être authentique ?
Le forçage à la liberté : Philippe, compilation d'extraits de Paul Lebohec au format PDF
Veiller et non SURveiller ! : Philippe, compilation d'extraits de Dr. Peter Grey, Marie Gervais au format PDF
Alors, n'importe qui peut-être enseignant ?